Eglise Grecque-Melkite
Histoire des Melkites HISTOIRE DES MELKITES

 
Introduction 
Antioche  
Les Melkites  
 
La Paix de Constantine  
Le Patriarcat 
Les Patriarches Grecs-Catholiques
 
 
 

  Introduction Historique

Larges extraits d'une "Synthèse" de Mgr Joseph Nasrallah, L' Exarque de Paris, sur l'"HISTOIRE de L’ÉGLISE MELCHITE des ORIGINES à NOS JOURS" (publiée dans Le Lien 2/82). (Nous respectons ici l’orthographe "melchite" de Mgr Nasrallah).

Contrairement aux autres églises orientales, catholiques ou non, I'Église melchite n'est pas une Église nationale. C'est une Église particulière, dans le sens canonique du mot, répandue dans tout le Proche-Orient arabe et dans une diaspora qui prend de l'ampleur de plus en plus. Elle est l'héritière légitime des trois sièges apostoliques d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. Ses origines se confondent avec la prédication de l’Évangile dans le monde gréco-romain de la Méditerranée orientale et l'extension du Christianisme au-delà des limites de l'Empire. La formation des patriarcats d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, les premiers au concile de Nicée (325), le troisième à Chalcédoine (451), I'ont façonnée et en ont fait une entité territoriale et juridique.

L’Église melchite doit son caractère d'Église particulière à deux fidélités, celle à l' Empire de Byzance et celle aux sept premiers conciles œcuméniques. Elle ne prit son nom de Melchite cependant qu'à la fin du Ve siècle. Ce sobriquet, inventé par ses détracteurs, les Monophysites, pour stigmatiser sa fidélité à l'empereur (malka en syriaque) Marcien qui avait réuni le concile et au concile de Chalcédoine, est le label de son orthodoxie envers la Cattolica.

De nos jours, au point de vue sociologique, I'Église melchite offre une homogénéité ethnique étonnante: son patriarche, son épiscopat, son clergé tant régulier que séculier, ses fidèles sont (surtout) arabes.

La conquête arabo-islamique du Vlle siècle fit passer en quelques années l'aire des patriarcats melchites sous domination non chrétienne: Alexandrie, Antioche et Jérusalem seront en Terre d' lslam jusqu 'à la domination ottomane de 1516. À de rares exceptions, les chrétiens ne subiront pas de persécutions, mais un régime de vexations, de sujétions; ils seront désormais des dimmis des protégés. Ils assumeront avec résignation et courage leur nouveau rôle de témoins du Christ en Islam. N'ayant plus de possibilité de jouer un rôle politique, les Melchites - comme d'ailleurs les Jacobites et les Nestoriens - se tourneront vers les professions libérales, surtout la médecine, et seront les artisans de la version en arabe de l'héritage philosophique, médical et scientifique de la Grèce antique.

La reconquête byzantine de l'Antiochène ne dura qu'un siècle (960-1085). Elle eut pour conséquence la byzantinisation de la liturgie des trois patriarcats. L' adaptation des coutumes liturgiques de la Ville impériale sera à peu près consommée à Antioche à la fin du XlIle siècle.

Mais ce que le halo, qui entourait le trône œcuménique ne put exécuter, c'est-à-dire entraîner l’Église melchite dans le schisme, les Croisés en préparèrent le terrain. En effet, des patriarches et des évêques latins remplacèrent les hiérarques melchites (sauf à Alexandrie). L'Église locale fut soumise à une Église étrangère. Une sorte d' "estrangement" s'établit entre les deux, sans que la première, cependant, rompît ses relations avec Rome.

Le règne des Mameluks (1250-1516) ne mit pas seulement fin aux possessions franques en Orient, mais fut une période cruciale pour les Communautés chrétiennes: persécutions, destructions, massacres furent leur lot. C’est durant le règne de ces "esclaves" couronnés que le christianisme accusa une forte régression; des régions entières furent islamisées ou vidées de leur population. Cependant le "petit reste" perpétua sa mission qui prit de plus en plus un caractère de témoignage et de fidélité au Christ. Les confesseurs et les martyrs n'y manquèrent pas.

La conquête ottomane (1516-1918) ne fut pas plus clémente, du moins jusqu'au XVlle siècle. Il y avait longtemps qu'on avait cessé de voir dans les chrétiens "des protégés", pour ne plus se souvenir que de leur qualité d'infidèles. Les pachas avaient toute liberté d'action à l'égard de cette catégorie d'administrés, privés de moyens légaux de protestation.

Désormais tout l'Orient dépendait d'une seule autorité, celle du sultan. Ce dernier sut mettre à profit la situation. Constantinople deviendra non seulement capitale politique d’un immense empire, mais capitale religieuse de l'Orient, comme Rome l'était pour l'Occident. Le patriarche œcuménique fut appelé à exercer une autorité sur les hiérarques melchites. Leur confirmation et parfois leur élection dépendent désormais du Phanar. La hiérarchie d'Alexandrie et de Jérusalem s'hellénisa complètement. A partir de 1534 jusqu'à nos jours, tous leurs sièges épiscopaux furent attribués à des grecs. Les deux patriarcats se coupèrent ainsi de la Cattolica pour embrasser le schisme. L'Hellénisme n'eut pas de prise sur Antioche dont les patriarches étaient choisis dans le clergé indigène; ils conservèrent pour la plupart des liens avec Rome. Le patriarcat profond ne varia pas dans sa croyance, même lorsque l'un ou l'autre de ses hiérarques se trouva être plus favorable à Constantinople qu'à Rome. Une Église n'est pas formée uniquement de son chef; elle comprend aussi les évêques, le clergé et le peuple. Les fidèles portent en eux-mêmes un sens de la vérité, un instinct sûr qui lui permet de la reconnaître. Parce que le Pape Honorius pencha vers le monothélisme, eut-on jamais l'idée de déduire que l’Église d'Occident embrassa cette hérésie?

L'échec de l'Union tentée à Florence servit de leçon à Rome. L'établissement d'une communion formelle avec une Église orientale devait s'opérer par la base et non par le sommet. Dans un premier stade, des missionnaires (Jésuites, Capucins, Carmes, Franciscains) se mirent au service de la hiérarchie locale et coopérèrent avec elle. Des pasteurs qui n'étaient pas en communion formelle avec Rome encourageaient leurs ouailles à s'adresser aux missionnaires. Le peuple sentait la nécessité d'une intelligence plus profonde de la foi traditionnelle qu'il vivait malgré mille ans de répression. Il aspirait à la trouver auprès de religieux plus instruits que son clergé. Des deux côtés, on était assuré de participer à une même foi. Cependant, une fraction attirée par le renom de la culture occidentale et sa civilisation prit en bloc ce que la latinité lui apportait. C'est ainsi qu'après quelques décennies l'ont vit apparaître une nouvelle manière de concevoir la foi traditionnelle. Le comportement de ces nouveaux "catholiques" fut considéré comme une trahison et une mutation de la foi ancestrale par une fraction attachée à son passé. Ainsi la communion dans la foi avec la Cattolica qui n'avait cessé de fleurir dans le patriarcat d'Antioche fut mise en question et deux manières de la concevoir firent leur apparition. L'identité antiochienne se perdit. Une fraction de ses fidèles pencha vers Byzance et devint plus constantinopolitaine qu'antiochienne, et l'autre vers Rome avec une forme de relation plus romaine que fidèle à la foi de l'Église locale. De sorte qu'à la mort du patriarche Athanase en 1724, une double lignée de patriarches fut instaurée, I'une orthodoxe et l'autre catholique. Elles durent jusqu'à nos jours.

Date fatidique que celle de 1724, deux hiérarchies parallèles, deux communautés sœurs qui se déchirent sous l'œil bienveillant des Turcs, qui accordent le siège patriarcal et les évêchés aux plus offrants. Les martyrs et les confesseurs ne manquèrent ni à l'une ni à l'autre. Deux routes divergentes et deux destinées conduisaient désormais les deux Églises, la catholique et l'orthodoxe.

La première, puisque c'est d'elle que nous devons parler, (c.à.d. I'Église Grecque-Melchite-Catholique), s'organisa intérieurement. De nouveaux Ordres monastiques furent fondés, un clergé éduqué à Rome dispensait l'enseignement dans des écoles nouvellement fondées. Un séminaire fut ouvert à Aïn Traz (1811 ). Malgré une crise de croissance qui dura jusqu'à la fin du XVlIle siècle, dûe surtout à l'antagonisme des nouvelles congrégations monastiques entre elles, I'Église melchite trouva son équilibre, des conciles locaux la dotèrent d'une organisation solide et, ainsi, elle s'étendit et se développa. La providence lui ménagea, au XlXe siècle, deux grands patriarches: Maximos Mazloum (1833-1855) et Grégoire Joseph (1864-1 897 )

Trois ans après son élection, Mazloum perfectionna la législation canonique de son Église (conciles d'Aïn Traz, 1835, et Jérusalem 1849). Il étendit sa sollicitude au patriarcat d'Alexandrie, car fuyant les persécutions des orthodoxes, des catholiques de Syrie et du Liban avaient émigré en Égypte. Mazloum leur sacra un évêque, leur envoya des prêtres et dota les nouvelles paroisses d'églises et de fondations charitables. Il fit de même pour le patriarcat de Jérusalem. Mais Mazloum est surtout connu pour avoir été l'artisan de la reconnaissance par le sultan de l'indépendance complète de son Église, tant au point de vue civil qu'au point de vue ecclésiastique (1 848).

Le long patriarcat de Grégoire Joseph fut des plus glorieux et des plus féconds. Durant 33 ans, mesurant ses actions à leurs conséquences possibles sur l'œuvre capitale de l'union des Églises, il travailla à réaliser son vaste plan de restauration de son Église. Il voulut la réaliser dans le sens de la pure tradition orientale. D'où sa position à Vatican I par laquelle il s'opposa à l'opportunité de la proclamation des dogmes de la Primauté et de l’infaillibilité du Pape dans le sens qu'entendait la majorité des Pères. Il lutta contre le Protestantisme qui pénétrait en force en Orient, en fondant les collèges patriarcaux de Beyrouth (1865), et de Damas (1875). En 1866, il rouvrit le séminaire d'Aïm Traz, mais surtout fut à l'origine de celui de Sainte-Anne de Jérusalem (1882). Il prit une grande part au Congrès eucharistique célébré à Jérusalem en 1893. Ses suggestions ne furent pas étrangères à l'élaboration de l'encyclique Orientalium Dignitas, véritable charte des Églises orientales, par laquelle Léon XlIl ordonna le respect le plus absolu des droits des patriarches et de la discipline orientale, corrigeant, sur plus d'un point, I'esprit de la majorité des missionnaires latins.

Nous nous souvenons tous de la grande figure de Maximos IV (1947-1967) et de son action à Vatican II. On a dit de lui avec raison qu'il a été l'un des Pères qui firent le Concile. En effet, ce dernier lui doit maintes de ses orientations. Peut-être que, eu égard au petit nombre de fidèles de son Église, sa hardiesse parut téméraire à certains. Mais lui était conscient qu'il parlait au nom du "frère absent", de la grande Église orthodoxe qui ne compte pas moins de deux cents millions de fidèles. Il puisait sa force et son mordant dans la conception qu'il avait de son Église, pont entre Rome et l'Orthodoxie. Depuis son élévation sur le trône patriarcal, son successeur, S B. Maximos V Hakim (22 novembre 1967), chef actuel de l’Église melchite, suit la lancée de son prédécesseur, tout en prêtant une attention particulière au problème de la Diaspora de son Église. Plus de la moitié de ses effectifs vit, en effet, en dehors des limites imposées à notre Patriarcat.
J. Nasrallah, Exarque patriarcal, Paris
 
Antioche

Lorsque dans la plénitude des temps, "attendu de tous les peuples", naquit en Palestine(1) le Christ de la Vierge Marie, le monde connu était gouverné en grande partie par la "Lex Romana". Antioche, située au bord de l'Oronte, était alors la deuxième Ville de l'Empire(2). Nous possédons de très intéressantes descriptions d'Antioche, I'ancienne capitale des Séleucides, devenue ensuite capitale de la province romaine de Syrie. Cette ville de plus de deux cent mille habitants recevait souvent la cour impériale, ce qui lui conférait vraiment le titre de capitale de l'Orient.

Deux célèbres écrivains d'Antioche, Liban et Saint Jean Chrysostome, parlent dans leurs écrits de la grande ville merveilleuse. Mais à part les souvenirs et les ruines, rien ne subsiste des merveilles de jadis, des villas élégantes dont parle Chrysostome, des avenues pavées de marbre et des nuits illuminées. De nos jours, Antakya-nom moderne de cette ville-est un modeste centre agricole en territoire turc.

Mais en ces temps anciens, lorsque pour la première fois parvint en ce pays le message de l'Incarnation du Verbe et I'avènement du salut, cette ville, connue à la fois pour sa richesse et ses moeurs dissolues, ne pouvait être négligée par les Douze.

D'Antioche, centre international des affaires, bifurquaient les grandes routes pour Damas et Jérusalem, vers l'Asie Mineure et l'Égypte, vers la Perse et les Indes. La corrélation d'Antioche avec la prédication de l'Évangile est de grande importance: de là, la "bonne nouvelle" fut transmise en Syrie et en Perse, de là Paul entreprit ses premiers voyages apostoliques et c'est là que Pierre installa son siège épiscopal, avant qu'il soit transféré à Rome. Ce fut également à Antioche que les "Chrétiens" furent nommés pour la première fois comme tels. Le fait que la ville la plus scandaleuse de l'Orient ait été choisie comme siège du prince des Apôtres témoigne d'une philosophie chrétienne, puisque Juvénal dit que "le vice coulait de l'Oronte vers le Tibre". Ainsi, une nouvelle source, apportant le chuchotement de la parole de l'espoir et de l'amour, commença à couler de l'Oronte vers le Tibre, jusqu'à ce que cette parole soit également prononcée au bord du Tibre, à Rome, choisie comme nouveau siège du trône de Pierre.

Alors que jadis, sur la colline du Golgotha à Jérusalem, la croix servit au "jugement" du Christ, elle devint, au lieu d'un instrument d'infâme condamnation, le symbole du salut et le signe de sainteté et d'élection.
 
Les Melkites

Ayant acquis la liberté (en 313), I'Église s'attribua une organisation territoriale bien délimitée à laquelle l'administration civile servit de base(1).
Au premier Concile oecuménique de Nicée en 325, une situation juridique existante est ratifiée officiellement: on confie des attributions spéciales aux évêques dans les capitales des "provinces"; de plus, les droits des évêques sont établis et leurs compétences dépassent les métropoles: ainsi le canon 6(2) reconnaît à Alexandrie certains privilèges sur le territoire égyptien, semblables à ceux de Rome sur le territoire italien. Antioche obtient un primat sur l'Orient, pendant que le canon 7 attribue à Jérusalem le même privilège, mais honorifique.

De cette façon, la direction de l'Église repose sur les sièges de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem avec leurs territoires respectifs, tout en attribuant à Rome le primat universel du Saint-Siège.
Les évêques de ces quatre sièges avaient le titre de Patriarche.
Lors du transfert de la Capitale de l'Empire à Constantinople, la ville de Constantin acquit également une importance considérable pour l'administration de l'Église et devint finalement siège patriarcal. Le deuxième Concile Oecuménique de 381 décida qu'un primat d'honneur serait attribué à Constantinople, qui prit de ce fait le second rang après Rome, cette dernière demeurant le siège du successeur de Pierre.

Les cinq sièges patriarcaux formèrent la "Pentarchie"; on appela les Patriarches les cinq lumières de l'univers, les cinq têtes et soutiens de l'Église, les cinq sens du corps ecclésiastique, dont Rome représentait la vue.

Avec Justinien, le pouvoir impérial confirma l'organisation et le droit patriarcal. La "Novella" (3) 123 ordonna selon leur importance la suite des sièges patriarcaux: Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Il y était dit, en outre, que la consécration des évêques dans les métropoles était du ressort du Patriarche, de même que la convocation des conciles locaux; le Patriarche exerçait aussi la jurisprudence, le droit de contrôle sur tout le patriarcat et en plus, le droit de déléguer des représentants personnels auprès des autres Patriarches. Le Patriarche aurait, également, eu le droit de tenir le synode permanent, une réunion des évêques où le sort du Patriarcat aurait dû être réglé.

La Pentarchie, qui se manifesta d'une certaine manière par le règne de cinq papes territoriaux, dont l'un, le Pape de Rome, revêtait le primat universel, s'écroula en 1054 avec le Schisme de Constantinople.

Entre-temps, le Patriarcat d'Antioche avait traversé à l'époque du Concile Oecuménique de Chalcédoine en 451, une période de grande crise, jusqu'à la séparation du patriarcat. Cette crise éclata à cause de la définition diophysite(4). Les monophysites, qui ne voyaient dans la Personne du Christ qu'une nature divine-humaine, furent condamnés par le concile. Mais ils continuèrent de maintenir leur doctrine, ceci surtout pour des considérations politiques, antibyzantines, à l'égard de l'Empereur, garant de la vraie doctrine, de l' "Orthodoxie". S'opposer au Concile de Chalcédoine signifiait une sorte de protestation contre le pouvoir impérial, contre Constantinople. C'est ainsi que nacquit l'expression "melkite" (5), afin de désigner les vrais croyants, fidèles au dogme conciliaire. Ceux qui suivirent l'Orthodoxie impériale et le Patriarche "orthodoxe" furent nommés dès lors "melkites".

Le même événement se passe à Alexandrie(6), où le Patriarche et les croyants qui acceptèrent la doctrine officielle furent nommés "Melkites".

La séparation entre Constantinople et Rome, en 1054, entraîna celle de l'ensemble de l'Orient avec l'Occident et les Patriarches, jusqu'alors en accord avec Rome, s'unirent à la thèse du Patriarche oecuménique de Constantinople. Comme elles tenaient à se distancer des hérésies, qu'elles avaient toujours rejetées, les Églises de l'Orient quoique séparées de Rome voulurent toujours être appelées "orthodoxes", c.-à-d. fidèles à la vraie doctrine. Afin de souligner le caractère universel de son primat, le Saint-Siège de Rome se nomma "catholique". Ainsi, la dénomination "orthodoxe" obtint la signification de chrétien appartenant à une Église de l'Orient séparée du catholicisme.

(1) En l'an 292, Dioclétien avait divisé l'Empire en 12 "diocèses". Théodose 1er avait, en 395, procédé à la division en deux empires de l'est et de l'ouest; chacun comprenait 2 "préfectures" lesquelles exerçaient la jurisprudence sur des diocèses qui, de leur côté étaient divisés en "provinces". Selon la "Notitia dignitatum", I'Empire Romain, vers la fin du IV' siècle, se présentait de la manière suivante: Empire d'Orient avec la Préfecture d'Orient comprenant les "diocèses" d'Égypte (cap. Alexandrie), Orient (Antioche), Asie (Ephèse), Thrace (Héraclée), Pontos (Césarce) et ia Préfecture d'Illyrie avec les deux "diocèses" Dacie et Macédoine, l'Empire de l'Occident avec la Préfecture d'Italie, d'Afrique et d'Illyricum, et la Préfecture des Gaules avec les "diocèses" d'Espagne, de la Gaule et de Bretagne.

(2) "Antiqua consuetudo servetur per Aegyptum, Lybiam et Pentapolim ita ut Alexandrinus episcopus horum omnium habeat potestatem, quia et urbis Romae episcopo parilis mos est. Similiter autem et apud Antiochiam ceterasque provincias sua privilegia serventur ecclesiis". Cfr. B. KIJRTSCHEID, Historia iuris canonici, Historia Institutorum, Roma 1951.

(3) "Novella" est la dénomination des prescriptions légales du grand législateur Justinien, promoteur du "Corpus iuris civilis".

(4) Deux natures dans le Christ, une divine et une humaine.

(5) De "melek", qui signifie en syrien roi, empereur.

(6) C'est à Alexandrie que l'expression "Melkite" fut utilisée pour la première fois en 460, elle désignait les croyants du Patriarche légitime d'Alexandrie, Timoteo Solofaciolo, qui eut l'approbation de l'Empereur Léon 1er.
 
La Paix du Constantin

A la fin des premiers trois cents ans d'avènement du christianisme, qui comptèrent parmi les plus difficiles et dangereux pour l'Église, l'heure de tranquillité civile sonna enfin. Auparavant, après une première phase de tolérance, le pouvoir impérial avait promulgué les célèbres lois de répression et de condamnation de ceux qui prêchaient l'Évangile et qui l'adoptaient. Quiconque s'opposait à ces lois était poursuivi de peines très sévères.

C'est la raison pour laquelle les martyrs étaient légion, ces "criminels", qui confessaient la foi et préféraient la mort plutôt que de n'être pas condamnés et de perdre la paix avec le Christ. Or, la plupart des sujets de l'État étaient des fidèles de l'Église et les temps étaient venus d'une paix entre l'État et l'Église.

C'est ainsi que Constantin-le-Grand édicta à Milan en 313, la fameuse proclamation de tolérance envers les Chrétiens. Ceci se passa à l'issue de la victoire sur Maxentius à Ponte Milvio et après la vision connue de la Croix, qui se dressa entre Constantin et le soleil, et sur laquelle se trouvaient les paroles "IN HOC SIGNO VINCES".

Grâce à la sagesse du jeune Empereur serbe -- il naquit en 280 à Nish, comme on l'appelle de nos jours -- la paix entre l'Église et l'État fut acquise, liée cependant à la condition que l'Église reconnaisse l'État et soutienne son pouvoir(1).
 
Constantin s'approcha de plus en plus du Christianisme jusqu'en 330, date où il transféra la cour impériale à Byzance, qu'il appela désormais Constantinople et dont il fit la capitale chrétienne de l'Empire, ceci aux dépens de Rome, où des moeurs payennes persistaient.

En l'an 391, Théodose 1er instaura le Christianisme en tant que religion d'état. Le pouvoir impérial devenait ainsi garant de la doctrine, croyant et protecteur des Chrétiens.

(1) Une étude approfondie sur l'Empire Romain de l'Orient a été écrite par GEORG OSTROGORSKY, Storia dell'lmpero bizantino - Torino 1968
 
Le Patriarcat

Déjà au cours des 16e et 17e siècles, plusieurs Patriarches d'Antioche, qui résidèrent à Damas, après la destruction d'Antioche par un tremblement de terre au 15e siècle, avaient exprimé le désir de retourner vers l'unité.

Des missionnaires jésuites et capucins collaborèrent au bon déroulement de l'initiative. Ainsi, le Patriarche Cyrille V reconnut formellement l'autorité du Pape. Un des successeurs, Cyrille VI Thanas (1724-1759) compléta l'oeuvre de l'unité, mais un moine grec, Sylvestre, se fit nommé Patriarche par le Patriarcat de Constantinople, en obligeant, de ce fait, Cyrille VI de fuir de Damas, où il se trouvait, vers le Liban.

Mais les événements ne purent dorénavant que suivre une certaine direction. Un patriarcat orthodoxe-melkite subsista, tandis qu'un patriarcat "grec-melkite-catholique", rallié au Saint-Siège de Pierre, se constituait à nouveau à Antioche.

Le Patriarche uni au siège de Rome reçut du Pape "ad personam" le titre de "Patriarche d'Alexandrie et de Jérusalem".

Mais revenons à notre époque. Le successeur de S. B. Ie Cardinal Maximos IV Sayegh, qui se distingua lors du Concile Vatican II, par ses interventions passionnées et valeureuses, est l'actuel Patriarche S. B. Maximos V. élu le 22 novembre 1967 et accepté dans la Communion Romaine par Paul VI le 26 novembre 1967, un homme à l'esprit éclairé qui joint à une pensée lucide une active force de volonté. Moins à l'Ouest, mais surtout en Orient, la dignité de Patriarche a toujours et partout été très estimée.

Pourtant le "Patriarche de l'Ouest" est le Pape. Il n'y a que très peu de témoignages à ce sujet, tels l'inscription "Patriarchium" sur le marbre du Latran, le siège de l'Evêque de Rome, pour désigner ce siège, et aussi le titre "basilica patriarcalis" des basiliques romaines de Saint-Pierre, Saint-Jean au Latran, Saint-Paul et Sainte-Marie Majeure. Dans presque tous les pays à majorité islamique, qui appartenaient jadis au règne ottoman et encore avant à l'Empire Romain Oriental, comme la Syrie, la Jordanie, le Liban, l'Égypte(1), le Patriarche est reconnu comme autorité civile et juridique suprême de sa communauté ecclésiastique. En d'autres termes: le statut juridique, repris du gouvernement ottoman, qui reconnaît dans la personnalité du Patriarche le chef de la "Nation des catholiques romains" (Roum katholik milleti), est resté en vigueur. Sans nous étendre sur des considérations qui dépasseraient le cadre de ce bref exposé, on peut affirmer que le Patriarcat jouit de la "personnalité juridique internationale". Au point de vue du droit canonique interne, le Patriarche benéficie d'une assez grande indépendance canonique, bien entendu dans les limites qui lui sont octroyées par les liens avec le Saint-Siège.

Il est intéressant de constater comment est appelé le Patriarche dans les cérémonies religieuses byzantines(2): "Patriarche des grandes villes d'Antioche, d'Alexandrie et de Jérusalem, de Cilicie, Syrie, Ibérie, Arabie, Mésopotamie, Pentapolis, Éthiopie, de toute l'Égypte et de tout l'Orient, père des pères, pasteur des pasteurs, évêque des évêques, treizième des Saints Apôtres".

Lorsque le Deuxième Concile Vatican traita de l'institution du Patriarcat et des pouvoirs, on essaya de mettre de l'ordre dans la matière du Décret "Orientalium Ecclesiarum", c.-à-d. dans les questions concernant l'Église catholique de l'Orient. Cette Église n'est pas assez connue auprès des populations actuelles de l'Ouest et beaucoup croient que tous les peuples de l'Orient sont musulmans. En fait, un bon nombre de catholiques très croyants vivent dans ces contrées, d'où nous est parvenue la nouvelle du salut, mais ils sont pauvres au point de vue économique. On peut citer le canon 9 du Décret "Orientalium Ecclesiarum" pour comprendre combien le Concile Vatican II tenait à confirmer le rôle important que les Patriarches seraient de plus en plus appelés à jouer dans l'Église catholique:

"En considération de la plus ancienne tradition de l'Église, un honneur tout particulier revient aux Patriarches des Églises orientales, qui sont préposés à leurs patriarcats en tant que pères et chefs".

"Ce Concile donne donc l'ordre de reconstituer leurs droits et privilèges, ceci en accord avec les anciennes traditions de chaque Église et les décisions des conciles oecuméniques. Ces droits et privilèges sont ceux qui existaient aux temps de l'unité entre l'Orient et l'Occident, tout en les adaptant un peu aux conditions actuelles".

 (1) La Turquie fait exception à cause des restrictions religieuses connues qui ont été promulguées par le Président Kemal Ataturk lors de la prétendue "laïcisation" de la République Turque.

(2) Outre la dénomination "melkite", on utilise également "byzantine" pour désigner la communauté chrétienne de l'Orient qui a maintenu la vraie foi et refoulé l'hérésie; les adeptes de l'Église grecque-catholique sont nommés aussi "unis".

 Les Patriarches Grecs-Catholiques

Le vingtième dans la lignée des Patriarches Melkites Grecs-Catholiques depuis 1724:

     1724-1759 Cyrille Vl Tanas
     1759-1760 AthanaseIV Jawhar
     1760-1761 Maximos II Hakim
     1761-1788 Théodose V Dahan
     1788-1794 Athanase IV Jawhar (2e fois)
     1794-1796 Cyrille Vll Siage
     1796-1812 Agapios II Matar
     1812-1812 Ignace IV Sarrouf
     1813-1813 Athanase V Matar
     1813-1815 Macaire IV Tawil
     1816-1833 Ignace V Cattan
     1833-1855 Maximos lIl Mazloum
     1856-1864 Clément Bahous
     1864-1897 Grégoire II Youssef-Sayour
     1898-1902 Pierre IV Géraigiry
     1902-1916 Cyrille Vl l l Geha
     1919-1925 Dimitrios I Cadi
     1925-1947 Cyrille IX Moghabghab
     1947-1967 Maximos IV Saïgh
     1967-2001 Maximos V Hakim
     2001-____ Grégoire III Laham